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Les larmes aux yeux, M. Goliadkine embrassa son hôte, et devint tout à fait sentimental ; il lui découvrit quelques-uns de ses secrets et de ses sentiments intimes. Il parla surtout d’André Philippovitch et de Clara Olsoufievna. « Nous nous entendrons bien ensemble, Iakov Pétrovitch, disait-il, nous vivrons ensemble comme des poissons dans l’eau, comme des frères, nous serons les plus malins, mon ami, nous serons les plus malins, nous aussi nous intriguerons contre eux. Mais n’aie pas confiance en eux je te connais, Iakov Pétrovitch, et je comprends ton caractère. Tu raconterais tout, âme candide. Non ; mon frère, éloigne-toi d’eux, d’eux tous… »

L’hôte consentait complètement, remerciait M. Goliadkine. Il se mit à pleurer aussi.

« Écoute, Iacha, poursuivit M. Goliadkine d’une voix tremblante et faible. Installe-toi chez moi pour quelque temps ou pour toujours. Nous nous entendrons bien, cela te va-t-il hein ?… ne te gêne pas. Il y a entre nous un lien si étrange que ce serait un péché de se révolter ; ce serait un péché. La nature l’a voulu, et la mère nature est large… voilà, mon frère, je dis cela pour ton bien, mon frère, et tous deux nous agirons de ruse et nous leur ferons voir… »

Ils en étaient au troisième et au quatrième verres de punch. M. Goliadkine éprouve deux