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petit ver, tout petit, d’ailleurs, mais qui le rongeait quand même. Ce qui le tourmentait ainsi, c’était le souvenir de la soirée de la veille chez Olsoufi Ivanovitch. Il eût donné beaucoup, pour qu’aucun ne se fût passé des événements de la veille. « D’ailleurs ce n’est rien », conclut-il, et il se décide fermement dans son âme à se bien tenir désormais et à ne plus faire pareille gaffe. M. Goliadkine s’anime maintenant tout à fait, soudain il est presque complètement heureux, il pense même à jouir un peu de la vie.

Pétrouchka apporta du rhum. On fit un punch. M. Goliadkine et son hôte en vidèrent deux verres. L’hôte était de plus en plus aimable, et manifestait son heureux caractère et sa droiture. Il s’accordait au plaisir de M. Goliadkine. Il semblait se réjouir de la joie du maître de maison, il le regardait comme son véritable et seul bienfaiteur. Il prit une plume et une feuille de papier, demanda à M. Goliadkine de ne pas regarder ce qu’il écrirait, avant qu’il n’eût fini. C’était un quatrain assez sentimental, écrit d’ailleurs d’un beau style et d’une belle main, et dont on devinait que l’aimable convive était lui-même l’auteur.

Si tu venais à m’oublier,
Moi je ne te t’oublierais pas.
Quels que soient les hasards de la vie,
Ne m’oublie pas toi non plus !