Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec les mêmes yeux. Il mettait tous ses efforts à découvrir la pensée de M. Goliadkine, si bien que M. Goliadkine décida que son convive devait être le plus aimable des hommes.

Cependant on a servi le thé. Il était déjà plus de huit heures. M. Goliadkine se sentait d’excellente humeur, il s’égayait, s’animait, engageait avec son hôte une conversation très vivante et pleine d’intérêt. M. Goliadkine, quand il est gai, aime à raconter des choses intéressantes. Aussi parle-t-il à son hôte, longuement, de la capitale, de ses plaisirs, de ses beautés, des théâtres, des cercles, du dernier tableau de Brulov. Il raconte que deux Anglais sont arrivés exprès de Londres à Pétersbourg pour voir la fameuse grille du Jardin d’été, et sont aussitôt repartis. Il parle du service, d’Olsoufi Ivanovitch, d’André Philippovitch ; il dit que la Russie progresse d’un jour à l’autre ; il cite une anecdote lue récemment dans la Poste du Nord ; aux Indes il y a un serpent python d’une force extra. ordinaire, etc., etc…… Enfin M. Goliadkine est tout à fait content : 1° parce qu’il était tout à fait tranquille ; 2° parce que non seulement il n’avait plus peur de ses ennemis ; mais qu’il était prêt à les provoquer tous à un combat décisif ; 3° parce que lui-même avait accordé sa protection personnelle et avait fait une bonne action, Il lui semblait pourtant qu’il n’était pas tout à fait heureux, qu’il restait dans son cœur un