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très sincèrement. Bien que l’histoire de son hôte fût la plus banale, toutes ses paroles tombaient sur le cœur de Goliadkine comme une manne. M. Goliadkine ne se souvient plus de ses derniers doutes. Il a rempli son cœur d’une joie libératrice. Il se traite en pensée d’imbécile : Tout cela était si naturel ! Il n’y avait pas de quoi s’attrister et faire un pareil foin. Mon Dieu, il y là une coïncidence assez spéciale, mais ce n’est pas un malheur, cela ne peut atteindre un homme, blesser son amour-propre, briser sa carrière. L’homme n’est pas coupable, quand c’est la nature elle-même qui opère. Enfin son hôte lui demandait protection, son hôte pleurait, accusait la destinée. Il paraissait si simple, sans méchanceté, sans autre intention, si miséreux, si infime. On eût dit, que lui aussi, pour une autre raison, avait honte de son étrange ressemblance avec M. Goliadkine. Son attitude était irréprochable, il tâchait de plaire à M. Goliadkine et son regard était d’un homme que tourmentent des remords de conscience, qui se sent coupable envers un autre. S’il y avait matière à discuter, il se ralliait aussitôt à l’opinion de M. Goliadkine ; si par une erreur, par une opinion, il avait contredit M. Goliadkine, s’il croyait s’être écarté des idées de M. Goliadkine, il réparait aussitôt, s’expliquait, faisait comprendre immédiatement que sa pensée était celle de M. Goliadkine, et qu’il voyait