Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bunaux, de vagues intrigues de bureau, de l’âme dépravée d’un fonctionnaire, d’une inspection, d’un changement inopiné de chefs. M. Goliadkine Il raconta aussi comme il eut à souffrir tout à fait innocemment de sa vieille tante, de sa très vieille tante Pélagie Séméonovna, comment les intrigues de ses ennemis lui avaient fait perdre sa place, comment il était venu à pied à Pétersbourg, quelles innombrables démarches il y avait dû faire, comment il avait si longtemps cherché une situation sans succès, comme il avait tout dépensé, vivant presque dans la rue, mangeant son pain sec, buvant ses larmes amères, couchant sur le plancher, enfin comment quelqu’un se chargea de faire des démarches pour lui, le recommanda, et lui procura sa situation actuelle.

Tout en parlant, l’hôte de M. Goliadkine pleurait. Il essuyait ses larmes avec un mouchoir bleu à rayures qui ressemblait beaucoup à une toile cirée.

— Je me confesse à vous complètement, dit-il et il avoue que, non seulement il ne sait comment vivre et s’installer avant de toucher son traitement, mais qu’il n’a même pas de quoi commander son uniforme.

— Je n’ai même pas pu, dit-il, m’acheter des souliers, et mon uniforme je l’ai loué pour quelques jours.

M. Goliadkine s’est attendri, s’est attendri