Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous,… permettez-moi donc de vous demander quelle occasion me vaut l’honneur…

— Connaissant votre magnanimité et vos vertus, interrompit l’hôte rapidement mais d’une voix timide, en se soulevant un peu sur sa chaise, j’ai osé m’adresser à vous, et demander… à vous connaître… demander votre protection… Il s’embarrassait dans ses expressions, choisissant des mots ni trop flatteurs, ni trop humbles, pour ne pas compromettre sa dignité, évitant les phrases trop hardies, qui eussent exprimé une égalité déplacée.

L’hôte de M. Goliadkine avait l’attitude d’un noble mendiant au frac rapiécé, qui, ses parchemins dans la poche, n’a pas encore l’habitude de tendre la main.

— Vous me rendez confus, répondit M. Goliadkine, promenant successivement ses regards sur lui-même, sur ses murs et sur son hôte. En quoi pourrais-je… moi… je veux dire… en quoi et à quoi puis-je vous servir ?

— Iakov Pétrovitch, je me suis senti attiré vers vous immédiatement, et, pardonnez-moi, j’ai mis mon espérance en vous. J’ai osé espérer, Iakov Pétrovitch… Moi… moi… je suis un homme perdu ici, je suis pauvre, j’ai beaucoup souffert, je suis tout nouveau ici. Quand j’ai appris que vous, avec vos belles qualités innées, et votre belle âme, vous étiez mon homonyme…

M. Goliadkine fronça les sourcils.