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duisit son hôte dans sa chambre. Timidement il lui demanda de s’asseoir. L’hôte paraissait très embarrassé, très intimidé ; il suivait docilement tous les mouvements de M. Goliadkine, cherchait du regard à découvrir ses pensées. Ses gestes étaient humiliés, déprimés. Il ressemblait à un homme qui, n’ayant pas de vêtements, a pris ceux d’un autre : les manches sont trop longues, la taille est prise sous la nuque. À chaque instant il ajuste le gilet trop court, s’efface, essaye de se cacher. Bientôt il regarde tout le monde dans les yeux, il écoute si on ne le trouve pas ridicule, si on ne se moque pas de lui, si on n’a pas honte de lui, et il rougit, il est anéanti, il souffre dans son amour-propre.

M. Goliadkine a posé son chapeau sur la fenêtre. Mouvement imprudent. Le chapeau tombe sur le parquet. L’hôte se précipite en même temps que M. Goliadkine pour le ramasser. Il en essuie la poussière soigneusement, le remet en place, et pose le sien sur le parquet, près de la chaise sur le bord de laquelle il s’installe lui-même. Ce petit incident a légèrement éclairé M. Goliadkine. Il comprend qu’il domine son hôte. Aussi n’est-il plus gêné pour le recevoir et le laisse-t-il à lui-même. L’hôte ne parle pas Est ce timidité, honte, ou politesse ? attendait-il, que le maître de maison commençât ? À le voir, on ne sait.

Alors Pétrouchka ouvrit la porte, s’arrêta