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la conversation ne venait pas. Ils font ainsi une cinquantaine de pas. M. Goliadkine met tous ses soins à se serrer dans son manteau, à enfoncer son chapeau jusque sur les yeux. Mais l’offense est complète. Jusqu’au manteau, jusqu’au chapeau de l’ami qui sont semblables à ceux de M. Goliadkine, qui sont les mêmes.

— Monsieur, dit enfin M. Goliadkine, qui affaiblit sa voix dans un murmure, et n’ose regarder l’ami, il me semble que nos voies sont différentes… Je suis convaincu, ajouta-t-il après un court silence et d’un ton assez sévère, je suis convaincu que vous m’avez compris complètement…

— Je désirerais, dit enfin l’ami de M. Goliadkine, je désirerais… vous voudrez bien m’excuser avec magnanimité… je ne sais à qui je dois m’adresser… les circonstances… j’espère que vous excuserez mon audace… il me semblait même que vous aviez de la sympathie pour moi, que vous avez pris quelque intérêt à moi, ce matin. Quant à moi, je me suis senti immédiatement attiré vers vous… moi…

M. Goliadkine désirait disparaître sous terre.

— Si j’osais espérer… Iakov Pétrovitch… que vous m’écoutiez avec indulgence…

— Nous… nous ferons mieux d’aller chez moi, répondit M. Goliadkine. Passons de l’autre côté de la Perspective Newsky, cela nous sera plus commode, et après nous prendrons par la