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son cœur est si serré qu’il ne sait comment se consoler.

« D’ailleurs, attendons le jour et alors nous nous réjouirons. Qu’y a-t-il là de formidable ? Voyons, eh bien, raisonnons, mon jeune ami, raisonnons, eh bien, tu es un homme absolument comme moi, tout à fait pareil à moi, et après ? tu es un homme semblable à moi, est-ce une raison pour que je pleure ? Qu’est-ce que cela me fait ? Cela ne me regarde pas. Je m’en moque. C’est tout. Qu’il fasse son service ! Eh bien, où est le miracle ? On parle des frères Siamois, eh bien supposons que nous soyons jumeaux. Même les grands hommes ont parfois des étrangetés. C’est ainsi dans l’histoire où le célèbre Souvarof chantait comme un coq… Mais c’était par politique, et les grands capitaines… Et que me font les capitaines ! Je suis moi-même, c’est tout. Je ne veux connaître personne, et dans mon innocence je méprise l’ennemi. Je ne suis pas intrigant et j’en suis fier ; je suis pur, droit, probe, agréable… »

Tout à coup M. Goliadkine se tait, s’arrête et tremble comme une feuille. Il ferme les yeux un instant. Il espère cependant… Si sa peur était sans objet ! Il rouvre les yeux. Il regarde timidement à droite. Non, ce n’est pas une illusion. À ses côtés marche… l’autre qui sourit, qui le regarde dans les yeux, qui semble attendre l’occasion d’engager la conversation. Mais