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à coup, dans ma chambre éclata un cri faible, comme celui d’un enfant qui a peur dans la nuit. Ensuite tout devint calme. Je soufflai la chandelle. J’étais glacée. Je cachai mon visage dans mes mains. J’avais peur de regarder. Soudain, j’entends un cri près de moi. Des gens accouraient de l’usine. Je me penchai à la fenêtre. Je vis mon père mort qu’on rapportait et j’entendis les gens dire entre eux : « Il est tombé de l’escalier dans la chaudière bouillante. C’est comme si le diable l’y avait poussé ! » Je me suis serrée contre le lit. J’attendais, qui, quoi, je ne sais. Je me souviens que, tout à coup, ma tête devint lourde ; la fumée me piquait les yeux et j’étais heureuse que ma perte fût proche. Soudain, je me sentis soulevée par les épaules… Je regarde autant que je puis… Lui ! Tout brûlé. Son habit est chaud et sent la fumée. « Je suis venu te chercher, ma belle. J’ai perdu mon âme pour toi ! J’aurai beau prier, je ne me ferai jamais pardonner cette nuit maudite, à moins que nous ne priions ensemble ! » Et il a ri, le maudit ! « Montre-moi par où passer pour que les gens ne me voient pas », me dit-il. Je le pris par la main et le conduisis. Nous traversâmes le corridor. J’avais les clefs ; j’ouvris la porte de la réserve et lui indiquai la fenêtre. Cette fenêtre donnait sur