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elle prononça ces paroles. Comme si son cœur se fendait. Je levai les yeux… Je voulais me jeter à ses pieds. Mais, soudain, le diable me souffla : « Eh bien, si ce n’est pas pour toi, c’est probablement pour mon père. Je les lui donnerai quand il rentrera. Je lui dirai que des marchands sont venus et ont laissé cette marchandise… » Alors ma mère se mit à sangloter : « Je lui dirai moi-même quels marchands sont venus et pour quelle marchandise… Je lui dirai de qui tu es, fille bâtarde !… Désormais tu n’es plus ma fille ! Tu es une vipère. Tu es une fille maudite ! » Je me taisais. Mes yeux étaient sans larmes comme si tout était mort en moi ! J’allai dans ma chambre et, toute la nuit, j’écoutai la tempête et pensai…

» Cinq jours s’écoulèrent. Vers le soir du cinquième jour mon père arriva, les sourcils froncés, l’air courroucé. Mais en route la maladie l’avait brisé. Je regarde : son bras était bandé. Je compris que son ennemi s’était trouvé en travers de sa route. Je savais aussi quel était son ennemi. Je savais tout. Il ne dit pas un mot à ma mère, ne s’informa pas de moi, et convoqua tous les ouvriers. Il donna l’ordre d’arrêter le travail à l’usine, et de garder la maison du mauvais œil. À ce moment mon cœur m’avertit qu’un malheur menaçait notre