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de nouveau la lanterne pour l’accompagner à la place de ma mère qui, quoique malade, voulait le reconduire. Nous arrivâmes à la porte cochère. Je me taisais. Il ouvrit la porte et chassa les chiens. Je le regardai. Il ôta son bonnet et s’inclina profondément devant moi. Je le vois ensuite qui met la main dans son gousset et en tire un petit écrin recouvert de velours rouge, qu’il ouvre. Je regarde. Ce sont de grosses perles. Il me les offre : « J’ai une belle non loin d’ici », me dit-il, « c’est pour elle que je les apportais, mais ce n’est pas à elle que je les remets. Prends, ma jolie, orne ta beauté, écrase-les sous tes pieds, si tu le veux, mais prends-les. » Je les pris mais ne les écrasai pas. C’eût été trop d’honneur… Je les pris comme un serpent, sans dire pourquoi je les prenais. Je retournai dans la chambre et les mis sur la table, devant ma mère.

» Ma mère resta un moment sans mot dire, toute pâle, comme si elle avait peur de me parler, puis : « Qu’est-ce que c’est, ma petite Catherine ? » Et moi je répondis : « C’est pour toi que ce marchand les a apportées… Moi j’ignore… » Je la regardai. Elle fondit en larmes : « Ce n’est pas pour moi, Catherine, ce n’est pas pour moi, méchante fille. Ce n’est pas pour moi. » Je me rappelle avec quelle tristesse