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diable achète mon âme et moi, contente, je regarde ma mère. Je vois qu’on me regarde, qu’on parle de moi… Ma mère se mit à pleurer… Il saisit son couteau. Plusieurs fois déjà, il lui était arrivé devant moi de saisir un couteau quand il parlait à ma mère. Je me levai et me cramponnai à sa ceinture… Je voulais lui arracher son couteau. Lui grince des dents, crie et veut me repousser… Il me donne un coup dans la poitrine, mais ne me fait pas reculer. Je pensais que j’allais mourir sur place… Mes yeux se voilèrent. Je tombai sur le sol sans pousser un cri… et je regardai tant qu’il me resta la possibilité de voir… Il ôta sa ceinture, releva la manche du bras qui m’avait frappée, prit son couteau et me le donna : « Coupe-le, fais ce que tu veux, puisque je t’ai offensée, et moi, le fier, je me prosternerai devant toi. » Je remis le couteau dans sa gaine… J’étouffais… Je ne le regardais même pas. Je me rappelle que j’ai souri sans desserrer les lèvres et que j’ai regardé sévèrement les yeux tristes de ma mère… Ma mère était assise, pâle comme une morte… »

Ordynov écoutait attentivement ce récit embrouillé. Peu à peu le trouble de Catherine se dissipait. Son débit devenait plus calme ; les souvenirs entraînaient la pauvre créature et dispersaient son angoisse sur l’immensité du passé.

« Il mit son bonnet et sortit sans saluer. Je pris