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ai répondu que mon père n’était pas à la maison. « Je le sais », me dit-il, et, tout à coup, il m’a regardée de telle façon… C’était la première fois qu’il me regardait ainsi. Je m’en suis allée ; il restait immobile. « Pourquoi ne vient-il pas ? » me disais-je… Nous entrâmes dans la chambre. « Pourquoi m’as-tu répondu que ton père n’était pas là quand je t’ai demandé si ta mère y était ? » questionna-t-il. Je me tus…

» Ma mère était effrayée. Elle se jeta vers lui… Il la regardait à peine. Je voyais tout. Il était tout mouillé, tremblant ; la tempête l’avait poursuivi pendant vingt verstes… D’où venait-il ? Ma mère ni moi ne le savions jamais. Nous ne l’avions pas vu depuis déjà neuf semaines… Il ôta son bonnet et se débarrassa de ses moufles… Il ne priait pas les icônes, ne saluait pas les maîtres du logis… Il s’assit près du feu… »

Catherine passa la main sur son visage comme si quelque chose l’étouffait. Mais, une minute après, elle releva la tête et continua :

« Il se mit à parler à ma mère, en tatare. Ma mère savait cette langue ; moi je ne comprenais pas un mot. Parfois, quand il venait, on me renvoyait… Maintenant, ma mère n’osait pas dire un mot à son propre enfant… Le