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Un mendiant, un vieillard tout blanc qui vint chez nous, nous assura qu’il avait vu ce chêne, quand il était encore enfant, et qu’il était alors aussi grand qu’au moment où le vent l’abattit…

» Cette même nuit – je me rappelle tout comme si c’était maintenant – les bateaux de mon père furent détruits par la tempête, et mon père, bien que malade, se rendit aussitôt au bord du fleuve, dès que les pêcheurs accoururent le prévenir, chez nous, à l’usine. Moi et ma mère nous restâmes seules. Je somnolais. J’étais triste et pleurais amèrement… Je savais pourquoi… Ma mère venait d’être malade, elle était pâle, et me répétait à chaque instant de lui préparer son linceul. Tout à coup, on frappa à la porte cochère. Je bondis. Mon sang afflua à mon cœur. Ma mère poussa un cri… Je ne la regardai pas… J’avais peur… Je pris la lanterne et allai moi-même ouvrir la porte… C’était lui !… J’eus peur. J’avais toujours peur quand il venait chez nous. C’était ainsi dès mon bas âge, d’aussi loin que je me souvienne… À cette époque il n’avait pas encore de cheveux blancs ; sa barbe était noire comme du goudron ; ses yeux brillaient comme des charbons, et, pas une seule fois, il ne m’avait regardée avec tendresse… Il me demanda si ma mère était à la maison. J’ai refermé la porte et lui