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Elle perdit connaissance. Ordynov, tout bouleversé, la souleva et la déposa sur le lit. Il restait debout devant elle, ne se rappelant rien. Une minute après, elle ouvrit les yeux, s’assit sur le lit, regarda autour d’elle, et saisit la main d’Ordynov. Elle l’attirait vers soi, murmurait quelque chose entre ses lèvres pâles, mais la voix lui manquait. Enfin, ses larmes jaillirent, abondantes, brûlant la main glacée d’Ordynov.

– Que c’est pénible, pénible ! Ma dernière heure vient, prononça-t-elle enfin dans une angoisse d’épouvante.

Elle voulait dire encore autre chose mais sa langue ne lui obéissait pas ; elle ne pouvait proférer une seule parole. Désespérée, elle regardait Ordynov qui ne la comprenait pas. Il se pencha vers elle, plus près, écoutant… Enfin il lui entendit prononcer nettement ces mots :

– Je suis envoûtée… on m’a envoûtée… On m’a perdue…

Ordynov leva la tête et, avec étonnement, la regarda. Une pensée affreuse traversa son esprit. Catherine vit son visage contracté.

– Oui, on m’a envoûtée, continua-t-elle… Un méchant homme m’a envoûtée, lui. C’est lui mon assassin… Je lui ai vendu mon âme… Pourquoi, pourquoi as-tu parlé de ma mère ? Pourquoi as-tu voulu me tourmenter ? Que Dieu te juge !