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as vécu. Qu’as-tu aimé là-bas ? De quoi étais-tu heureuse, et qu’est-ce qui te rendait triste ? L’air était-il chaud, là-bas ? Le ciel était-il pur ?… Quels êtres t’étaient chers ? Qui t’a aimée avant moi ? À qui, là-bas, s’est adressée ton âme pour la première fois ? Avais-tu ta mère ? Était-ce elle qui te caressait quand tu étais enfant ? Ou, comme moi, es-tu restée seule dans la vie ? Dis-moi, étais-tu toujours ainsi ? À quoi rêvais-tu ? À quoi pensais-tu ? Lesquels de tes rêves se sont réalisés et quels furent les autres ? Dis-moi tout… Pour qui ton cœur de vierge a-t-il battu pour la première fois et à qui l’as-tu donné ? Dis-moi ce qu’il me faut donner en échange de ton cœur ? Parle, ma chérie, ma lumière, ma sœur ! Dis-moi comment je puis mériter ton amour ?

Sa voix s’arrêta de nouveau. Il baissa la tête, mais quand il leva les yeux, l’horreur le glaça ; ses cheveux se dressèrent sur sa tête.

Catherine était assise, pâle comme une morte.

Immobile, elle regardait l’espace ; ses lèvres étaient bleuâtres, comme celles d’un cadavre, et ses yeux étaient pleins d’une souffrance muette, terrible. Lentement elle se leva, fit quelques pas, un sanglot aigu jaillit de sa poitrine et elle tomba devant l’icône… Des paroles brèves, incohérentes, s’échappaient de ses lèvres.