Page:Dostoïevski - La logeuse, suivi de deux histoires (2e édition), 1920.djvu/80

Cette page n’a pas encore été corrigée

arrêtait. Ma joie… dit-il, ne sachant plus quels mots il prononçait, ne les comprenant pas, et tremblant de la crainte de détruire d’un souffle tout ce qui lui arrivait et qu’il prenait plutôt pour une vision que pour la réalité, tellement tout était obscurci devant lui. Je ne sais pas… je ne te comprends pas… je ne me rappelle pas ce que tu viens de dire, ma raison s’obscurcit, mon cœur souffre… ma reine…

L’émotion étouffa sa voix. Elle se serrait de plus en plus fortement contre lui. Il se leva. Il n’y pouvait plus tenir ; brisé, étourdi par l’émotion, il tomba à genoux. Des sanglots enfin s’échappèrent de sa poitrine, et sa voix, qui venait droit du cœur, vibrait comme une corde dans toute l’amplitude de l’enthousiasme et d’un bonheur inconnu.

– Qui es-tu ? Qui es-tu, ma chérie ? D’où viens-tu, ma colombe ? prononça-t-il, en s’efforçant d’étouffer ses sanglots. De quel ciel es-tu descendue ? C’est comme un rêve qui m’enveloppe. Je ne puis croire à ta réalité… Ne me fais pas de reproches… Laisse-moi parler, laisse-moi te dire tout, tout ! Depuis longtemps je voulais parler… Qui es-tu, qui es-tu, ma joie ? Comment as-tu trouvé mon cœur ? Dis-moi, y a-t-il longtemps que tu es ma sœur ? Raconte-moi tout de toi. Où étais-tu jusqu’à ce jour ? Dis-moi comment s’appelait l’endroit où tu