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– Est-ce que cela arrive parfois ?

– Oui, cela arrive.

Elle tremblait toute et, de nouveau effrayée, se serrait contre lui comme un enfant.

– Vois-tu, dit-elle, retenant ses sanglots, ce n’est pas sans raison que je suis venue chez toi. Ce n’est pas sans raison qu’il m’était pénible de rester seule, répéta-t-elle en lui serrant la main avec reconnaissance. Assez, assez versé de larmes sur le malheur d’autrui ! Garde-les pour le jour pénible où tu seras seul à souffrir, où il n’y aura personne avec toi. Écoute… Est-ce que tu as déjà aimé ?

– Non… avant toi, je n’ai pas aimé…

– Avant moi ? Et tu m’appelles ton amour ?

Elle le regarda soudain avec étonnement ; elle voulait dire quelque chose, mais se tut et baissa les yeux. Puis, tout à coup, son visage devint rouge et à travers les larmes encore chaudes, oubliées sur ses cils, ses yeux brillèrent. On voyait qu’une question agitait ses lèvres. Elle le regarda deux fois, d’un air rusé, et ensuite, brusquement, elle baissa de nouveau les yeux.

– Non, je ne puis pas être ton premier amour, dit-elle. Non, non, répéta-t-elle en hochant la tête pensivement, tandis qu’un sourire éclairait de nouveau son visage. Non ! fit-