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Il était déjà dans la rue quand il prononça ces mots. Peu à peu, d’autres idées l’accaparèrent. L’impression était pénible. La journée était grise et froide ; la neige tombait. Le jeune homme se sentait de nouveau brisé par la fièvre. Il sentait aussi que le sol se dérobait sous ses pas. Soudain une voix connue, un ténor doucereux, chevrotant, désagréable, lui souhaita le bonjour.

– Iaroslav Ilitch ! fit Ordynov.

Devant lui se trouvait un homme d’une trentaine d’années, vigoureux, aux joues rouges, pas très grand, avec des petits yeux humides, gris, souriants, et habillé… comme Iaroslav Ilitch était toujours habillé ; et cet homme, de la façon la plus aimable, lui tendait la main.

Ordynov avait fait la connaissance de Iaroslav Ilitch juste un an auparavant, et d’une façon tout à fait accidentelle, presque dans la rue. Cette connaissance facile avait été favorisée, en dehors du hasard, par l’extraordinaire penchant qui poussait Iaroslav Ilitch à chercher partout des êtres bons et nobles, essentiellement cultivés, et dignes, au moins par leurs talents et leurs bonnes manières, d’appartenir à la haute société. Bien que Iaroslav Ilitch fût doué, comme voix, d’un ténor très doucereux, même dans la conversation avec ses amis les plus intimes, dans sa voix éclatait quelque