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et ne pouvait détacher de lui ses regards. Le méchant vieillard le suivait partout. Il paraissait et le menaçait de la tête au-dessus de chaque buisson du bosquet ; il riait et le taquinait, s’incarnait en chacune de ses poupées d’enfant, grimaçant et riant entre ses mains comme un méchant gnome malfaisant. Il jaillissait en grimaçant de chaque mot de sa grammaire. Pendant son sommeil, le méchant vieillard s’asseyait à son chevet… Il chassait la foule des esprits clairs qui promenaient leurs ailes d’or et de saphir autour de son berceau. Il repoussait de lui, pour toujours, sa pauvre mère, et, pendant une nuit entière, il lui chuchota un long conte merveilleux, incompréhensible pour un cœur d’enfant, mais qui le troublait d’une horreur et d’une passion qui n’avaient rien d’enfantin. Et le méchant vieillard n’écoutait ni ses sanglots, ni ses prières et continuait à lui parler jusqu’à ce qu’il en perdît connaissance.

Et l’enfant s’éveillait homme. Des années entières s’étaient écoulées sans qu’il l’entendît. Tout d’un coup, il reconnaît sa vraie situation, il comprend qu’il est seul et étranger à tout l’univers. Il est seul parmi des gens mystérieux, inquiétants, parmi des ennemis qui s’assemblent et chuchotent dans les coins de sa chambre obscure, et font des signes de tête à la vieille qui est