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à lui et se rendait compte que son sommeil n’était pas le sommeil mais une sorte de perte de conscience maladive et douloureuse. Il entendit la porte s’ouvrir puis se fermer. Il devina que c’étaient les maîtres qui rentraient des vêpres. Il lui vint en tête qu’il devait aller chez eux chercher quelque chose. Il se leva pour s’y rendre, mais il trébucha et tomba sur un tas de bois jeté par la vieille au milieu de la chambre. Alors il perdit tout à fait connaissance. Quand il rouvrit les yeux, au bout d’un long moment, il remarqua avec étonnement qu’il était couché sur le même banc, tout habillé, et qu’avec une tendresse attentive se penchait vers lui un visage de femme merveilleusement beau, tout mouillé de larmes douces et maternelles. Il sentit qu’on lui mettait un oreiller sous la tête, qu’on l’enveloppait dans quelque chose de chaud et qu’une main douce caressait son front brûlant. Il voulait dire merci ; il voulait prendre cette main, l’approcher de ses lèvres sèches, la mouiller de larmes et la baiser éternellement.… Il voulait dire beaucoup de choses, mais quoi, il ne le savait lui-même. Il voulait mourir en ce moment. Mais ses mains étaient comme du plomb et restaient inertes. Il lui paraissait qu’il était devenu muet ; il sentait seulement son sang battre dans toutes ses artères si fortement,