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dans la rue, maigre comme un clou.

» Il ôte son paletot, s’assoit sur mon coffre et me regarde. J’étais heureux, mais en même temps une sorte d’angoisse m’étreignait l’âme encore pire qu’auparavant. C’est-à-dire, Monsieur, que s’il m’était arrivé à moi quelque chose de pareil, j’aurais préféré crever comme un chien plutôt que de revenir. Emelian, lui, était revenu. Naturellement, c’est pénible de voir un homme dans une pareille situation. Je me suis mis à le consoler, à le dorloter.

— Eh bien ! dis-je, Emelian, je suis content que tu sois revenu. Si tu avais encore tardé, aujourd’hui je serais retourné te chercher dans les débits. As-tu mangé ?

— J’ai mangé, Astafi Ivanovitch.

— Est-ce bien vrai ? Tiens, mon ami, il reste un peu de soupe d’hier. C’est du bouillon ; et voilà du pain et de l’ail. Mange, ça n’est jamais de trop.

» Je l’ai servi, et alors je me suis aperçu qu’il n’avait pas mangé depuis trois jours, si grand était son appétit. En un mot, c’était la faim qui l’avait forcé à revenir. Je me suis attendri. Je le regarde et pense : « J’irai au débit et lui rapporterai un peu de vin, et nous ferons la paix une bonne fois. Assez ! Je n’ai plus de colère contre toi, Emelian.

» J’ai apporté du vin.

— Voilà, Emelian