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— Non, Astafi Ivanovitch, fit-il, et, tout d’un coup, il se leva et, je le vois encore, s’approcha, triste comme un péché : Non, Astafi Ivanovitch, je n’ai pas pris votre pantalon. Il frissonne, se frappe la poitrine, sa voix tremble. Il commence à me faire peur.

— Eh bien ! Emelian Ilitch, n’en parlons plus. Pardonnez-moi si, comme un sot, je vous ai fait des reproches à tort. Et le pantalon, que le diable l’emporte ! Nous n’en mourrons pas. Grâce à Dieu, nous avons des bras, nous n’irons pas voler… et nous ne mendierons pas à un étranger, un pauvre homme : nous gagnerons notre pain…

» Emelian m’écoutait, debout devant moi… Après il s’assit. Il resta ainsi toute la soirée, sans bouger. J’étais déjà couché qu’il était encore assis à la même place. C’est seulement le matin que je vis qu’il s’était allongé sur le plancher nu, enveloppé dans son paletot. Il n’était pas même venu se coucher sur le lit.

» Eh bien ! Monsieur, à dater de ce moment, je ne l’ai plus aimé. Même, le premier jour, je le haïssais. C’était comme si mon fils m’avait volé et encore m’insultait. « Ah ! » pensais-je, « Emelian, Emelian ! » Et lui, Monsieur, pendant deux semaines ne cessa de boire. C’est-à-dire qu’il était devenu comme enragé, tout à fait alcoolique. Dès le matin, il sort, et rentre tard dans