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il ne me gênerait pas énormément. Il doit manger, pensai-je ; eh bien ! ce matin, un morceau de pain, et pour qu’il lui paraisse plus appétissant, on pourra acheter un peu d’ail. À midi aussi, du pain et de l’ail. Pour le souper aussi, de l’ail avec du kvass et du pain. Et s’il y a la soupe aux choux, alors ce sera déjà fête pour nous deux. Moi, je ne mange pas beaucoup ; et un homme qui boit, on sait ça, ne mange rien ; il ne lui faut que du vin ou de l’eau-de-vie. « Il me ruinera en boisson », pensai-je alors. Mais soudain une autre pensée aussi me vint en tête, Monsieur, un autre sentiment s’empara de moi tout entier. Oui, si Emelian était parti, j’aurais pris la vie en horreur… Alors j’ai décidé d’être pour lui un père, un bienfaiteur. Je le sauverai, je l’empêcherai de se perdre, je le déshabituerai de l’alcool ! « Attends », pensai-je, « tu verras ! Eh bien ! Emelian, reste, mais maintenant, prends garde : tu devras m’obéir. » Et je me disais : « Voilà, je vais commencer par l’habituer au travail. Mais pas brusquement. D’abord qu’il se distraie un peu, et moi, je l’observerai, j’examinerai ce qu’il est capable de faire. » Car vous savez, Monsieur, pour n’importe quel travail, il faut avant tout en avoir la capacité. Alors j’ai commencé à l’observer, à l’étudier. Mais je n’eus bientôt plus guère d’illusions. D’abord, Monsieur,