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suis très content de toi, Astafi ; quand nous reviendrons de la campagne, nous ne t’oublierons pas ; nous te reprendrons. » Moi, j’étais chez eux maître d’hôtel. C’était un brave homme, mais il est mort la même année. Quand nous l’avons eu mis en terre, j’ai pris mes effets, un peu d’argent, et j’ai pensé : « Maintenant je me reposerai » ; et je me suis installé chez une vieille femme. J’ai sous-loué un coin dans son logis. Il y avait juste un seul coin de libre. Elle avait servi quelque part comme bonne d’enfant et maintenant touchait une petite rente. « Eh bien ! » pensai-je, « adieu Emelian, mon ami, tu ne me retrouveras pas ! » Eh bien ! le croiriez-vous, Monsieur ? Un soir, je rentre — j’étais allé voir un camarade — et qu’est-ce que je vois ; Emelian ! Il est assis sur mon coffre, son mouchoir à carreaux près de lui ; il est en manteau, et m’attend… Pour chasser l’ennui, il a emprunté à la vieille un livre de prières qu’il tient à l’envers et regarde… Il m’a retrouvé ! Les bras m’en sont tombés. « Eh bien ! il n’y a rien à faire », pensai-je. « Pourquoi ne l’ai-je pas chassé du premier coup… » Et je lui demande tout de go :

» As-tu apporté ton passeport, Emelian ? »

» Je me suis assis, Monsieur ; et je commence à me demander si ce pauvre bougre me gênera beaucoup ? Toute réflexion faite, j’ai trouvé qu’