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chien. Voilà ce que la boisson peut faire d’un homme ! Je pense… « Comment lui dire : Va-t’en, Emelian, tu n’as rien à faire ici ; tu n’es pas bien tombé ; bientôt je n’aurai plus moi-même de quoi manger ; alors comment puis-je te garder en pension ? » Et je pense : « Qu’est-ce qu’il fera quand je lui dirai cela ? » Et je m’imagine le regard qu’il posera sur moi quand il entendra ces paroles ; je le vois rester assis longtemps sans rien comprendre. Ensuite, quand il aura compris, il se lèvera du rebord de la fenêtre, prendra son mouchoir, que je vois encore, un mouchoir à carreaux rouges, déchiré, dans lequel il mettait Dieu sait quoi et portait toujours avec lui. Après il ajustera son paletot pour s’y loger confortablement et avoir chaud et masquer les trous. Il était délicat ! Ensuite il aurait ouvert la porte et serait sorti sur l’escalier, des larmes pleins les yeux.

» Non, il ne faut pas que l’homme se perde ! j’ai eu pitié.

» Et après je pense encore : « Et moi, comment ferai-je ? Attends, Emelian, tu ne resteras pas longtemps chez moi… Bientôt je partirai d’ici et tu ne me retrouveras pas. » Eh bien ! Monsieur, nous sommes partis. Mon maître Alexandre Philemonovitch — depuis, il est mort. Monsieur, que Dieu l’ait en sa garde ! — me dit : « Je