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caractère doux, affectueux, bon, et pas du tout tapeur ; il avait honte. Seulement, on voyait bien que le malheureux voulait boire, et on le régalait. C’est comme ça que je me suis lié avec lui… C’est-à-dire qu’il s’est cramponné à moi… Moi, ça m’était bien égal ce qu’il était ! Il s’attachait comme un chien. Tu vas là-bas, il te suit… Et nous ne nous étions vus qu’une seule fois !… D’abord, il fallut lui laisser passer la nuit. Bon, je l’ai laissé. Je vois que son passeport est en règle. Ça va. Le lendemain, il fallut encore lui laisser passer la nuit. Le troisième jour, il demeura toute la journée sur le rebord de la fenêtre, et le soir il resta à coucher. « Eh bien ! » pensai-je, « voilà qu’il s’est accroché à moi, il va falloir lui donner à boire et à manger et encore le coucher. Moi, un pauvre homme, et un fainéant s’y accroche ! »

» Avant moi, il avait fait la même chose avec un employé. Il s’était cramponné à lui. Ils buvaient ensemble ; mais l’employé était mort de je ne sais trop quoi.

» Il s’appelait Emelian, Emelian Ilitch. Je pense, je pense… « Comment faire avec lui ? Le chasser ? C’est dur, il est si misérable ; un homme déchu que c’en est effrayant. » Et lui, silencieux, ne demande rien. Il reste assis et te regarde seulement dans les yeux, comme un