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Il ne soufflait mot à personne de ce qui lui était arrivé ; mais, par moments, surtout à l’heure du crépuscule, quand le son des cloches lui rappelait sa première rencontre avec elle, la tempête s’élevait dans son âme blessée. Il se rappelait le sentiment jusqu’alors inconnu qui avait agité sa poitrine quand il s’était agenouillé près d’elle, n’écoutant que le battement de son cœur timide, et les larmes d’enthousiasme, de joie, répandues sur le nouvel espoir qui traversait sa vie. Alors la souffrance de l’amour, de nouveau, brûlait dans sa poitrine, alors son cœur souffrait amèrement, passionnément, et il semblait que son amour grandît avec sa tristesse.

Souvent des heures entières, oubliant soi-même et toute sa vie, oubliant tout au monde, il restait à la même place, seul, triste, hochant désespérément la tête et murmurant : « Catherine, ma colombe chérie, ma sœur solitaire ! »

Une pensée affreuse commençait à le torturer ; elle le poursuivait de plus en plus fréquemment, et, chaque jour, se transformait pour lui en certitude, en réalité. Il lui semblait que la raison de Catherine était intacte, mais que Mourine aussi avait dit vrai en l’appelant cœur faible. Il lui semblait qu’un secret la liait au vieux, mais que Catherine, ignorante du crime, était passée, colombe pure, en son pouvoir.