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tu es trop jeune ! Ton cœur est encore chaud… Écoute, Monsieur, un homme faible ne peut pas seul se retenir ! Donne-lui tout, il viendra de lui-même et rendra tout, même si tu lui donnes la moitié de l’univers. Donne la liberté à un homme faible, il la ligotera lui-même et te la rapportera. Pour un cœur naïf la liberté ne vaut rien… On ne peut pas vivre avec un caractère pareil… Je te dis tout cela parce que tu es très jeune… Qu’es-tu pour moi ? Tu es venu, tu es parti… Toi ou un autre, c’est la même chose. Je savais depuis le commencement ce qui arriverait. Mais il ne faut pas contredire… On ne doit faire aucune objection si l’on veut garder son bonheur… Tu sais, Monsieur, on dit seulement, comme ça, que tout arrive, continuait à philosopher Mourine. Quand on est fâché on saisit un couteau, ou même on s’élance, les mains vides, et l’on tâche de déchirer la gorge de son ennemi… Mais qu’on te mette ce couteau dans la main, et que ton ennemi découvre sa poitrine devant toi, alors, tu recules…

Ils entrèrent dans la cour. De loin, le Tatar aperçut Mourine et ôta devant lui son bonnet. Il fixait un regard malicieux sur Ordynov.

– Quoi ! La mère est-elle à la maison ? s’écria Mourine.

– À la maison.