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visage ; ses lèvres remuèrent encore quelques instants et tremblèrent comme s’il eût fait effort pour prononcer quelque chose. Soudain, une grosse larme suspendue à ses cils tomba et coula lentement sur sa joue pâle…

Ordynov n’y pouvait plus tenir. Il se leva, et, en chancelant, fit un pas vers Catherine. Il lui prit la main. Mais elle ne le regardait pas, on eût dit qu’elle ne le voyait pas, ne le reconnaissait pas…

Elle aussi avait l’air de perdre conscience, et elle semblait absorbée par une seule pensée, une seule idée. Elle s’abattit sur la poitrine du vieillard endormi, passa son bras blanc autour de son cou, et comme s’ils ne faisaient qu’un seul et même être, elle fixait sur lui son regard enflammé. Elle paraissait ne pas sentir qu’Ordynov lui prenait la main. Enfin, elle tourna la tête vers le jeune homme, et laissa tomber sur lui un regard long et pénétrant. Il semblait qu’enfin elle avait compris. Un sourire triste, douloureux, parut sur ses lèvres…

– Va-t-en ! murmura-t-elle. Tu es ivre et méchant, tu n’es pas mon ami !

Et de nouveau elle se tourna vers le vieillard, et encore fixa sur lui son regard. On eût dit qu’elle épiait chaque battement de son cœur, qu’elle caressait du regard son sommeil, qu’