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dans notre misérable demeure à lire des livres sataniques ?… Dis-moi si le moment viendra que je pourrai te dire adieu et te remercier de m’avoir nourrie et narré des histoires… Mais prends garde, dis toute la vérité… Ne mens pas ; le moment est venu !

Son animation croissait au fur et à mesure qu’elle parlait, mais, tout d’un coup, l’émotion brisa sa voix, comme si un tourbillon emportait son cœur. Ses yeux brillaient, sa lèvre supérieure tremblait un peu. Elle se penchait à travers la table vers le vieillard et, fixement, avec une attention avide, regardait ses yeux troublés.

Ordynov perçut tout à coup les battements de son cœur, quand elle cessa de parler… Il poussa un cri d’enthousiasme en la regardant et voulut se lever du banc. Mais le regard rapide, furtif du vieillard le cloua de nouveau sur place. Un mélange étrange de mépris, de raillerie, d’inquiétude, d’impatience et en même temps de curiosité méchante, rusée, brillait dans ce regard furtif, rapide, qui faisait chaque fois tressaillir Ordynov et qui, chaque fois, remplissait son cœur de dépit et de colère impuissante.

Pensivement, avec une curiosité attristée, le vieillard regardait Catherine. Son cœur était meurtri, mais aucun muscle de son visage ne tressaillait.