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Monsieur, que tu as beaucoup de bonheur à vendre, dit le vieillard. De quoi te mêles-tu ?

Et soudain il se mit à rire méchamment en regardant avec colère Ordynov.

– Je l’ai acheté ce que je l’ai acheté, repartit Catherine… Aux uns cela paraîtrait bien cher, aux autres très bon marché… L’un veut tout vendre et ne rien perdre ; l’autre ne promet rien, mais le cœur obéissant le suit… Et toi, ne fais pas de reproches à un homme, ajouta-t-elle en regardant tristement Ordynov ; verse donc du vin dans ta coupe, vieillard. Bois au bonheur de ta fille, de ta douce esclave obéissante, telle qu’elle était quand elle t’a connu pour la première fois… Lève ta coupe !

– Soit ! Remplis donc aussi la tienne, dit le vieillard en prenant le vin.

– Attends, vieillard, ne bois pas encore, laisse-moi auparavant te dire quelque chose…

Catherine avait les bras appuyés sur la table et, fixement, avec des yeux ardents et passionnés, regardait le vieillard. Une décision étrange brillait dans son regard ; tous ses mouvements étaient calmes, ses gestes saccadés, inattendus et rapides. Elle était comme en feu. Mais sa beauté paraissait grandir avec l’émotion et l’animation. Ses lèvres entr’ouvertes montraient deux rangées de dents blanches comme des