Page:Dostoïevski - La logeuse, suivi de deux histoires (2e édition), 1920.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Ordynov. Un instinct animal lui faisait deviner un ennemi mortel. Cependant il ne pouvait comprendre ce qui se passait en lui. La raison lui refusait son aide.

– Ne regarde pas ! prononça une voix derrière Ordynov.

Il se retourna.

– Ne regarde pas, ne regarde pas ! te dis-je. Si c’est le démon qui te pousse, aie pitié de ta bien-aimée, disait en riant Catherine. Et tout d’un coup se campant derrière lui, elle lui ferma les yeux avec ses mains, mais elle les retira aussitôt et s’en couvrit le visage : la rougeur de ses joues transparaissait, à travers ses doigts. Elle ôta ses mains et, toute rouge, essaya de rencontrer directement et sans gêne leurs sourires et leurs regards curieux. Mais les deux hommes demeuraient graves en la regardant : Ordynov, avec l’étonnement de l’amour, comme si, pour la première fois, une beauté aussi terrible avait percé son cœur ; le vieillard, avec attention et froidement. Rien ne s’exprimait sur son visage pâle ; seules ses lèvres bleuies tremblaient légèrement.

Catherine s’approcha de la table. Elle ne riait plus. Elle se mit à ranger les livres, les papiers, l’encrier, tout ce qui se trouvait sur la table, et les posa sur la tablette de la fenêtre. Sa respiration était devenue plus rapide, saccadée