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étaient pas encore secs, ou peut-être étaient-ce des larmes nouvelles, jaillies comme d’une source de son âme ardente ! Et, chose étonnante, ses souffrances lui étaient même douces, bien qu’il sentît sourdement, par tout son être, qu’il ne supporterait pas un choc pareil. À une certaine minute il eut comme la sensation de la mort, et il était prêt à l’accueillir telle qu’une visiteuse désirable. Ses nerfs étaient si tendus, sa passion bouillonnait si impétueusement avec une telle ardeur, son âme était pleine d’un tel enthousiasme que la vie, exacerbée par cette tension, paraissait prête à éclater, à se consumer en un moment, et disparaître pour toujours.

Presque au même instant, comme en réponse à son angoisse, en réponse à son cœur frémissant, résonna la voix connue – telle cette musique intérieure qui chante en l’âme de chaque homme aux heures de joie et de bonheur – la voix grave et argentine de Catherine. Tout près, à son chevet presque, commençait une chanson d’abord douce et triste… La voix tantôt montait, tantôt descendait et s’éteignait ; tantôt elle éclatait comme le trille du rossignol et, toute frémissante de passion, s’épandait en une mer d’enthousiasme, en un torrent de sons puissants, infinis, comme les premières minutes du bonheur de l’amour. Ordynov