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encore plusieurs fois… Il resta tout un mois dans le village… Il avait abandonné son commerce, congédié ses ouvriers, et il restait seul. J’avais pitié de ses larmes d’orphelin… Et voilà qu’une fois, le matin, je lui dis : « Alexis, attends-moi, la nuit venue, près du ponton… Nous irons chez toi. J’en ai assez de cette vie ! » La nuit vint, je préparai mon paquet… Tout d’un coup, je regarde… C’est mon maître qui rentre, tout à fait à l’improviste. « Bonjour ! Allons, il y aura de l’orage, il ne faut pas perdre de temps. » Je le suivis. Nous arrivâmes au bord du fleuve. Nous regardons. Il y a là une barque avec un batelier, on dirait qu’il attend quelqu’un… « Bonjour, Alexis ! Que Dieu te vienne en aide ! Quoi ? tu t’es attardé au port… Tu te hâtes d’aller rejoindre les bateaux… Emmène-nous, moi et ma femme… J’ai laissé ma barque là-bas et ne puis aller à la nage ! » « Assieds-toi », dit Alexis. Et toute mon âme eut mal quand j’entendis sa voix. « Assieds-toi avec ta femme ; le vent est bon pour tous et dans ma demeure il y aura place pour vous. » Nous nous sommes assis. La nuit devenait sombre ; les étoiles se cachaient ; le vent soufflait ; les vagues s’enflaient. Nous nous sommes éloignés à une verste de la rive. Tous trois nous gardions le silence… « Quelle tempête ! dit mon maître. C’