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et un rire perça à travers ce sourire.

– Je ne t’ai pas tout raconté, continua-t-elle enfin. Je te raconterai encore… Seulement m’écouteras-tu ? Écoute ta sœur… Je voudrais te raconter comment j’ai vécu un an avec lui… non, je ne le ferai pas… « Une année s’écoula… Il partit avec ses compagnons sur le fleuve. Moi je restai chez sa mère, à attendre. Je l’attends un mois, un autre… Un jour, je rencontre un jeune marchand. Je le regarde… et je me rappelle les années passées… « Ma chère amie », dit-il, après deux mots de conversation avec moi, « je suis Alexis, ton fiancé d’autrefois. Nos parents nous avaient fiancés quand nous étions enfants. M’as-tu oublié ? Rappelle-toi… Je suis de votre village !… » « Et que dit-on de moi chez nous ? » « Les gens disent que tu as oublié la pudeur des jeunes filles, que tu t’es liée avec un bandit », me répondit Alexis, en riant. « Et toi, qu’est-ce que tu as pensé de moi ? » « J’avais beaucoup à dire… (son cœur se troublait)… Je voulais dire beaucoup… mais maintenant que je t’ai vue, tu m’as perdu », dit-il. « Achète aussi mon âme, prends-la, piétine mon cœur, raille mon amour, ma belle. Je suis maintenant orphelin ; je suis mon maître et mon âme est à moi. Je ne l’ai vendue à personne… » Je me mis à rire. Il me parla