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— C’est moi qui l’ai rencontré, prince, je l’ai rencontré tout à l’heure et je l’ai amené ; c’est un de mes meilleurs amis ; mais il se repent.

— Enchanté, messieurs ; allez vous asseoir là avec les autres, je suis à vous tout de suite, répondit le prince qui avait hâte de se débarrasser d’eux pour reprendre la conversation avec Eugène Pavlovitch.

— On ne s’ennuie pas ici, chez vous, observa ce dernier quand son interlocuteur l’eut rejoint, — et j’ai passé une agréable demi-heure à vous attendre. Voici de quoi il s’agit, très-cher Léon Nikolaïévitch : j’ai tout arrangé avec Kourmycheff, et je suis venu pour vous rassurer à cet égard ; vous n’avez à vous inquiéter de rien, il a pris la chose très-raisonnablement ; d’ailleurs, à mon avis, les torts étaient plutôt de son côté.

— Quel Kourmycheff ?

— Eh bien, celui que vous avez pris par les bras tantôt… Il était si furieux qu’il voulait vous envoyer ses témoins demain matin.

— Allons donc, quelle bêtise !

— Sans doute, c’est une bêtise, et cela aurait certainement fini par une bêtise ; mais il y a chez nous de ces gens…

— Vous êtes peut-être venu pour autre chose encore, Eugène Pavlitch ?

— Oh, bien entendu, ce n’est pas là le seul motif qui m’amène, reprit en riant Radomsky. — Demain, au point du jour, je vais me rendre à Pétersbourg pour cette malheureuse affaire, l’affaire de mon oncle. Figurez-vous, cher prince, tout cela est vrai, et tout le monde le savait, excepté moi. Cette nouvelle m’a tellement stupéfié que je n’ai même pas fait de visite là (chez les Épantchine) ; demain je n’irai pas non plus, parce que je serai à Pétersbourg, vous comprenez ? Il se peut que je ne revienne pas ici avant trois jours, — en un mot, mes affaires marchent mal. Quoique la chose ne soit pas infiniment grave, j’ai jugé nécessaire d’avoir avec vous l’explication la plus franche, et