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Nina Alexandrovna trouve qu’il est trop mélancolique pour son âge, cela l’inquiète. Il sera peut-être homme d’affaires. C’est en partie grâce à ses démarches qu’ont été prises les mesures nécessitées par l’état du prince Léon Nikolaïévitch. Parmi toutes les personnes dont il avait fait la connaissance dans ces derniers temps, Kolia avait tout particulièrement distingué Eugène Pavlovitch Radomsky ; il n’hésita pas à l’aller voir, lui raconta tout ce qui s’était passé, et l’instruisit de la situation dans laquelle se trouvait maintenant le prince. Il ne s’était pas trompé : Eugène Pavlovitch prit le plus vif intérêt au sort du malheureux « idiot » ; grâce à son active intervention, le prince fut ramené en Suisse et replacé dans l’établissement de Schneider. Eugène Pavlovitch s’est lui-même rendu à l’étranger avec l’intention d’y faire un très-long séjour, car il avoue franchement qu’il est « tout à fait inutile en Russie ». Assez souvent, c’est-à-dire une fois tous les trois ou quatre mois, il va voir son pauvre ami chez Schneider, mais à chaque visite il trouve le docteur plus découragé. Schneider hoche la tête, fronce le sourcil, donne à entendre que les organes intellectuels sont complètement détériorés, et s’il ne va pas encore jusqu’à déclarer positivement que la maladie est incurable, du moins il en dit assez pour autoriser les conjectures les plus désolantes. Eugène Pavlovitch prend cela fort à cœur, car il a du cœur, il l’a prouvé par ce fait qu’il consent à recevoir les lettres de Kolia et que même il y répond quelquefois. D’ailleurs, une particularité étrange de son caractère s’est encore révélée dans ces derniers temps, et, comme elle lui fait honneur, nous nous empressons de la signaler : après chacune de ses visites à l’établissement de Schneider, Eugène Pavlovitch, outre qu’il écrit à Kolia, adresse aussi à une autre personne de Pétersbourg un bulletin très-détaillé de la santé du prince. Sans parler des assurances du plus respectueux dévouement, ces lettres expriment certaines vues, certaines idées, certains sentiments qui, vaguement indiqués au début, se manifestent sous une forme de plus en