— Depuis très-peu de temps. Sa sœur lui a frayé la voie tout l’hiver par un travail de taupe.
— Je ne le crois pas, reprit avec force le prince qui était resté un moment songeur. — Si cela était, je le saurais certainement.
— Tu penses sans doute que lui-même serait venu te l’avouer en pleurant et en se pressant contre ta poitrine ! Faut-il que tu sois benêt ! Ils te trompent tous comme… comme… Et tu n’es pas honteux d’avoir confiance en lui ? Se peut-il que tu ne voies pas qu’il t’a jobardé sur toute la ligne ?
— Je sais bien qu’il me trompe quelquefois, dit à demi-voix le prince dont le visage s’était refrogné, — et il n’ignore pas que je le sais… ajouta-t-il, gardant pour lui le reste de sa pensée.
— Il le sait et il est toujours aussi confiant ! Il ne manquait plus que cela ! Du reste, de ta part c’est tout naturel. Et je m’étonne de quelque chose ! Seigneur ! mais y a-t-il jamais eu un pareil homme ? Fi ! Et sais-tu que ce Ganka ou cette Varka l’ont mise en rapport avec Nastasia Philippovna ?
— Qui ? s’écria le prince.
— Aglaé.
— Je ne le crois pas ! Ce n’est pas possible ! Dans quelle intention ?
Il se leva précipitamment.
— Je ne le crois pas non plus, quoiqu’il y ait des preuves convaincantes. C’est une fille capricieuse, fantasque, folle ! Une fille méchante, méchante, méchante ! Je répéterai pendant mille ans qu’elle est méchante ! Toutes mes filles sont comme cela maintenant, même cette poule mouillée d’Alexandra, mais celle-là m’a déjà glissé hors des mains. Mais je ne le crois pas non plus ! Peut-être parce que je ne veux pas le croire, ajouta comme en aparté la générale, puis elle s’adressa de nouveau au prince : — Pourquoi n’es-tu pas venu nous voir ? lui demanda-t-elle brusquement. — Pourquoi depuis trois jours entiers n’es-tu pas venu chez nous ? cria-t-elle impatiemment une seconde fois.