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tasia Philippovna, et par l’amie de Nastasia Philippovna, et par Barbara Ardalionovna… elle-même… et par… et même par Aglaé Ivanovna, pouvez-vous vous imaginer cela, par l’entremise de Viéra, par le moyen de ma fille bien-aimée ? Viéra, ma fille unique… oui… du reste, je me trompe, pas unique, car j’en ai trois. Et qui a informé par lettres Élisabeth Prokofievna, dans le plus profond secret même ? Hé, hé ! Qui lui a écrit pour la mettre au courant de toutes les relations et… de tous les mouvements de Nastasia Philippovna ? Hé, hé ! Qui est cet anonyme, permettez-moi de vous le demander ? »

— Est-il possible que ce soit vous ? s’écria le prince.

— Précisément, répondit avec dignité l’ivrogne, — aujourd’hui même, à huit heures et demie, il y a une demi-heure, non, trois quarts d’heure, j’ai fait savoir à cette noble mère que j’avais à lui communiquer une aventure… significative. J’ai envoyé ma fille avec un mot ; Viéra est montée par l’escalier de service, elle a été reçue.

— Vous avez vu tout à l’heure Élisabeth Prokofievna ? demanda le prince qui en croyait à peine ses oreilles.

— Je l’ai vue tout à l’heure et j’ai reçu un soufflet… moral. Elle m’a rendu la lettre, elle me l’a même jetée au visage, sans l’avoir décachetée… pour ce qui est de moi, elle m’a poussé dehors par les épaules… au figuré seulement, pas au propre… du reste, je pourrais dire aussi au propre, il s’en est fallu de peu !

— Quelle lettre vous a-t-elle jetée au visage sans l’avoir décachetée ?

— Mais est-ce que… hé, hé, hé ! Mais ne vous l’ai-je pas déjà dit ? Je croyais vous l’avoir dit… J’ai reçu une petite lettre avec prière de la faire parvenir…

— De qui ? À qui ?

Mais Lébédeff entra alors dans des « explications » telles qu’il était fort difficile d’y découvrir un sens quelconque. Cependant le prince crut comprendre que la lettre avait été apportée de grand matin par une servante à Viéra Lébédeff