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viens-en toi-même, mon ami, je suis père ; mais tout père que je suis, je n’y comprends rien ; ainsi, toi, du moins, explique-moi…

— J’aime Aglaé Ivanovna ; elle le sait et… je crois qu’elle le sait depuis longtemps.

Le général haussa les épaules.

— C’est étrange, étrange… et tu l’aimes beaucoup ?

— Je l’aime beaucoup.

— C’est étrange, tout cela m’étonne. C’est-à-dire que la surprise est telle pour moi que… Vois-tu, cher, je ne parle pas de la fortune (pourtant je te croyais plus riche), mais… pour moi le bonheur de ma fille… enfin… es-tu capable, pour ainsi dire, de faire ce… bonheur ? Et… et… qu’est-ce que c’est que cela ? Une plaisanterie de sa part ou bien une chose sérieuse ? Je ne dis pas de ton côté, mais du sien ?

Derrière la porte retentit la voix d’Alexandra appelant son père.

— Attends, mon ami, attends ! Attends et réfléchis, j’arrive tout de suite… dit-il, et, avec une précipitation presque inquiète, il accourut à l’appel d’Alexandra.

Il trouva sa femme et sa fille pleurant dans les bras l’une de l’autre. C’étaient des larmes de bonheur, d’attendrissement et de réconciliation. Aglaé baisait les mains, les joues, les lèvres de sa mère ; toutes deux se tenaient étroitement enlacées.

— Eh bien, regarde-la, Ivan Fédorovitch, la voilà maintenant tout entière ! dit Élisabeth Prokofievna.

Aglaé releva sa tête jusqu’alors appuyée contre la poitrine de sa maman et, avec un bruyant éclat de rire, tourna vers le papa sa petite figure heureuse bien qu’encore humide de larmes ; puis elle courut auprès du général, le serra avec force dans ses bras et lui prodigua les baisers ; après quoi, la jeune fille revint cacher son visage dans le sein maternel, et se mit de nouveau à pleurer. Élisabeth Prokofievna ramena sur elle le bout de son châle.

— Eh bien, tu nous en fais de belles, cruelle fillette que