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Vous êtes un faux suicidé, un épanchement de bile… ambulant. Je vous ai donné l’hospitalité, vous avez pris de l’embonpoint, vous ne toussez plus, et, en reconnaissance…

— Deux mots seulement, permettez ; je suis chez Barbara Ardalionovna, et non chez vous ; vous ne m’avez nullement donné l’hospitalité, et, si je ne me trompe, vous-même êtes ici l’hôte de monsieur Ptitzine. Il y a quatre jours, j’ai prié ma mère de chercher pour moi un logement à Pavlovsk et de s’y transporter elle-même, parce que, en effet, je me sens mieux ici, quoique je n’aie pris aucun embonpoint et que je continue à tousser. Hier soir, ma mère m’a informé que le logement était prêt, et, de mon côté, je m’empresse de vous apprendre qu’aujourd’hui même, après avoir remercié votre maman et votre sœur, j’irai m’installer chez moi, ce à quoi je suis décidé depuis hier soir. Pardon, je vous ai interrompu ; vous aviez encore beaucoup de choses à dire, je crois.

— Oh ! s’il en est ainsi… commença avec agitation Gania.

— Eh bien, s’il en est ainsi, permettez-moi de m’asseoir, après tout je suis malade, ajouta Hippolyte, et il s’assit le plus tranquillement du monde sur la chaise que le départ du général avait laissée libre ; — allons, maintenant je suis prêt à vous entendre, d’autant plus que c’est notre dernier entretien, et peut-être même notre dernière rencontre.

Gania se piqua soudain de scrupule.

— Croyez que je ne m’abaisserai pas jusqu’à vous demander des comptes, déclara-t-il, — et si vous…

— Vous avez tort de le prendre de si haut, interrompit Hippolyte ; — moi, de mon côté, le jour de mon arrivée ici, je me suis juré de ne pas vous quitter sans avoir eu la satisfaction de vous dire toutes vos vérités avec une entière franchise. Je compte me procurer ce plaisir dès maintenant, après que vous aurez parlé, bien entendu.

— Et moi, je vous prie de quitter cette chambre.

— Vous feriez mieux de parler, vous regretterez ensuite de ne pas vous être soulagé le cœur.