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— Voyez-vous, poursuivit-il avec un embarras croissant, — on m’a donné à entendre… on m’a dit de monsieur Ferdychtchenko que c’était peut-être un homme devant qui il fallait s’observer et ne rien dire… de trop, — vous comprenez ? C’est pour vous dire qu’effectivement il était peut-être plus capable qu’un autre… pour qu’il n’y ait pas d’erreur, car voilà le grand point, vous comprenez ?

— Mais qui vous a donné ce renseignement sur monsieur Ferdychtchenko ? demanda vivement Lébédeff.

— On me l’a confié tout bas ; du reste, moi-même je n’en crois rien… je suis très-fâché d’avoir été mis dans la nécessité de vous dire cela, mais je vous assure que personnellement je ne le crois pas… c’est absurde… Oh ! quelle bêtise j’ai faite !

— Voyez-vous, prince, reprit Lébédeff tout agité, — c’est important, c’est de la plus haute importance maintenant ; entendons-nous, ce n’est pas la nouvelle concernant monsieur Ferdychtchenko qui en soi est importante, mais la façon dont elle est arrivée à votre connaissance. (Tout en parlant, Lébédeff courait derrière le prince et s’efforçait de lui emboîter le pas.) Voici, prince, ce que j’ai maintenant à vous communiquer : tantôt, lorsque je suis allé chez Vilkine avec le général, celui-ci, après m’avoir raconté l’anecdote de l’incendie, m’a aussi insinué, et naturellement d’une voix tremblante d’indignation, que monsieur Ferdychtchenko était un homme dont il fallait se défier, mais ses dires s’accordaient si peu les uns avec les autres que malgré moi je lui ai posé quelques questions, et la manière dont il y a répondu m’a prouvé que tout cela n’était qu’une invention de Son Excellence… Un pur effet de sa bonhomie en quelque sorte, car ses mensonges viennent seulement de ce qu’il ne peut contenir son attendrissement. Maintenant voyez : s’il a menti, ce dont j’ai la conviction, comment se fait-il que vous ayez aussi entendu parler de cela ? Comprenez, prince, que cette nouvelle, il l’a inventée sous l’inspiration du moment : qui donc, par conséquent, vous l’a apprise ? C’est important, c’est… fort important et… pour ainsi dire…