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dain vers Radomsky : — ai-je été assommant, oui ou non ? Parlez.

— C’était un peu long, mais du reste…

— Dites tout ! Soyez sincère une fois dans votre vie ! fit Hippolyte qui continuait à trembler.

— Oh, décidément cela m’est égal ! Je vous en prie, laissez-moi tranquille, répondit Eugène Pavlovitch en se détournant d’un air maussade.

Ptitzine s’approcha de l’amphitryon.

— Bonne nuit, prince, dit-il.

— Mais il va se brûler la cervelle, à quoi pensez-vous donc ? Regardez-le ! cria Viéra, et, tout inquiète, elle s’élança vers Hippolyte, qu’elle saisit même par les bras : — il a dit qu’il se tuerait au lever du soleil, à quoi pensez-vous ?

— Il ne se brûlera pas la cervelle ! murmurèrent avec un accent haineux plusieurs voix, entre autres celle de Gania.

— Messieurs, prenez garde ! s’écria Kolia, qui saisit aussi le bras d’Hippolyte : — regardez-le seulement ! Prince ! prince, mais faites donc attention !

Autour d’Hippolyte s’étaient groupés Viéra, Kolia, Keller et Bourdovsky ; tous les quatre se cramponnaient à lui.

— Il a le droit, le droit !… balbutiait Bourdovsky, lequel, du reste, semblait aussi avoir complètement perdu la tête.

— Permettez, prince, quelles dispositions entendez-vous prendre ? demanda Lébédeff en s’avançant vers son locataire.

Il était ivre et laissait voir effrontément son irritation.

— Comment ! quelles dispositions ?

— Non, permettez ; je suis le maître de la maison, soit dit sans vouloir vous manquer de respect… J’admets que vous soyez aussi maître ici, mais, comme propriétaire, je ne veux pas de choses pareilles chez moi… Voilà.

— Il ne se tuera pas ; c’est un gamin qui s’amuse ! cria tout à coup d’un ton plein d’assurance et d’indignation le général Ivolguine.

— Bravo, général ! approuva Ferdychtchenko.