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j’ai été traité en paria par la nature, alors que la petite mouche qui bourdonne autour de moi dans un rayon de soleil a elle-même sa place au banquet, la connaît et est heureuse ? Oh ! je sais bien, le prince et les autres voudraient, pour le triomphe de la morale, me faire dire, au lieu de toutes ces paroles fielleuses et ulcérées, la célèbre strophe de Gilbert :

 
Ah ! puissent voir longtemps votre beauté sacrée
      Tant d’amis sourds à mes adieux !
Qu’ils meurent pleins de jours, que leur mort soit pleurée,
      Qu’un ami leur ferme les yeux !


« Mais, croyez-le, braves gens, dans cette poésie résignée, dans cette bénédiction académique donnée au monde en vers français, se cache un fiel si intense, une haine si implacable que le poète s’y est peut-être trompé lui-même et qu’il a pris ses larmes de colère pour des larmes d’attendrissement. Sachez qu’il y a une limite à la honte que l’homme éprouve devant son néant, et que, cette limite dépassée, il trouve une jouissance extraordinaire dans le sentiment de sa faiblesse, de sa nullité… Allons, sans doute, ainsi comprise, l’humilité, je l’admets, est une force énorme, mais ce n’est pas dans ce sens que la religion l’entend.

« La religion ! J’admets la vie éternelle et peut-être l’ai-je toujours admise. Que la conscience soit allumée par la volonté d’une force suprême » qu’elle jette un regard sur le monde et dise : « J’existe ! », puis que tout d’un coup cette force suprême lui ordonne de s’éteindre parce qu’il le faut pour quelque intérêt supérieur, — et même sans lui expliquer pourquoi, soit, j’admets tout cela, mais reste toujours la question : De quelle nécessité ma soumission est-elle ici ? Ne peut-on pas me dévorer sans exiger que je bénisse qui me dévore ? Se peut-il qu’en effet quelqu’un là-haut soit offensé parce que je ne veux pas attendre quinze jours ? Je ne le crois pas, et il est beaucoup plus naturel de supposer que l’on a besoin de ma chétive existence pour compléter quelque harmonie universelle, de même que, chaque jour,