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prince Muichkine dont elle avait déjà entendu parler quelque peu, n’était guère autre chose qu’un malheureux idiot et un pauvre hère vivant d’aumônes ? Le général avait prémédité ce coup de théâtre : craignant un interrogatoire au sujet des perles, il avait voulu détourner sur un autre objet l’attention de sa femme.

D’ordinaire, dans les circonstances exceptionnelles, Élisabeth Prokofievna ouvrait de grands yeux, et, le corps un peu rejeté en arrière, regardait vaguement devant elle, sans proférer un mot. C’était une femme grande et maigre, avec un nez légèrement bossu, des joues jaunes et avalées, des lèvres minces et creuses. Sa chevelure grisonnante était encore épaisse. Son front était haut, mais étroit. Ses yeux gris et assez grands avaient parfois l’expression la plus inattendue. Ayant eu jadis la faiblesse de croire que son regard produisait un effet extraordinaire, elle restait inébranlable dans cette conviction.

— Le recevoir ? Vous me parlez de le recevoir, maintenant, tout de suite ?

Et, roulant les yeux le plus possible, la générale regardait son mari, qui allait et venait en face d’elle.

— Oh ! tu n’as pas à te gêner le moins du monde, ma chère : c’est seulement dans le cas où il te plairait de le voir, se hâta d’expliquer Ivan Fédorovitch. — C’est tout à fait un enfant, et même un enfant à plaindre ; il est sujet aux accès d’une certaine maladie ; en ce moment il arrive de Suisse ; il s’est rendu ici au sortir du wagon ; sa mise est étrange, c’est un peu le costume allemand, et, qui plus est, il n’a pas un kopek ; je n’exagère pas ; il a presque les larmes aux yeux. Je lui ai donné vingt-cinq roubles et je veux lui procurer un petit emploi de scribe dans notre chancellerie. Vous, mesdames, je vous prie de le régaler un peu, car il paraît avoir faim…

— Vous m’étonnez, répondit sans changer de ton la générale ; — il a faim et il est sujet à des accès ! Quels sont ces accès ?