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— Je m’en souviens, je m’en souviens, et j’irai, à coup sûr. Je crois bien, un jour de naissance, un vingt-cinquième anniversaire ! Hum… Allons, soit, Gania, je vais te révéler un secret. Prépare-toi. Elle a promis à Afanase Ivanovitch et à moi que ce soir, chez elle, elle dirait le dernier mot : être ou ne pas être ! Ainsi vois.

Un trouble soudain s’empara de Gania, qui pâlit légèrement.

— Bien vrai, elle a dit cela ? demanda-t-il d’une voix tremblante.

— Elle nous a fait cette promesse avant-hier. Nos communes instances la lui ont arrachée. Seulement, elle nous avait priés de te laisser pour le moment dans l’ignorance de la chose.

Le général tenait ses yeux fixés sur Gania, dont l’effarement lui causait un visible déplaisir.

— Rappelez-vous, Ivan Fédorovitch, dit avec agitation le jeune homme, — qu’elle m’a laissé toute liberté de me décider jusqu’à ce qu’elle-même ait pris une résolution, et qu’alors encore j’aurai mon mot à dire…

— Ainsi tu… ainsi tu… balbutia le général saisi d’une frayeur subite.

— Je ne dis rien.

— Voyons, comment veux-tu en user avec nous ?

— Je ne refuse pas. Je ne me suis peut-être pas exprimé si…

— Il ferait beau voir que tu refusasses ! s’écria le général donnant un libre cours à son mécontentement. — Ici, mon ami, il ne s’agit pas pour toi de ne pas refuser, il s’agit d’accepter avec empressement, avec joie, avec bonheur… Qu’est-ce qui se passe chez toi ?

— Qu’importe cela ? À la maison tout dépend de ma volonté. Mon père, selon sa coutume, fait des extravagances, il est devenu un fieffé polisson ; j’ai même cessé de lui parler, mais je le tiens en respect, et, vraiment, sans ma mère, je lui montrerais la porte. Naturellement, ma mère ne