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allumer une pipe, parce que j’ai cette habitude, et voilà trois heures que je n’ai pas fumé. Du reste, c’est comme il vous plaira ; vous savez, il y a un proverbe qui dit : Dans un monastère étranger…

— Eh bien, tel que vous êtes, comment vous annoncerais-je ? grommela presque involontairement le domestique. — D’abord, comme visiteur, votre place n’est pas ici, mais au salon, et, en restant dans l’antichambre, vous m’exposez à recevoir des reproches… Et vous avez l’intention d’habiter chez nous, n’est-ce pas ? ajouta-t-il en jetant encore un regard oblique sur le petit paquet qui ne cessait de le faire loucher.

— Non, je n’y songe pas. Lors même qu’on me le proposerait, je ne resterais pas ici. Le seul but de ma visite est de faire connaissance avec les maîtres de la maison, — rien de plus.

Cette réponse parut fort équivoque au soupçonneux valet de chambre.

— Comment ! faire connaissance ? reprit-il avec étonnement ; — mais vous avez commencé par me dire que vous veniez pour affaire !

— J’ai peut-être exagéré en parlant d’affaire. Oui, si vous voulez, c’est bien une affaire qui m’amène, en ce sens que j’ai un conseil à demander, mais je désire surtout me présenter à la famille Épantchine, parce que la générale est aussi une Muichkine et que nous nous trouvons être, elle et moi, les deux derniers descendants de cette race.

Les derniers mots du prince mirent le comble à l’inquiétude du domestique.

— Ainsi, par-dessus le marché, vous êtes un parent ? fit-il abasourdi.

― À peine. Sans doute, à la rigueur, cette parenté existe, mais elle est si éloignée qu’on peut la considérer comme nulle. Étant à l’étranger, j’ai une fois écrit à la générale et elle ne m’a pas répondu. Malgré cela, de retour ici, j’ai cru devoir me rappeler à son attention. J’entre dans toutes ces