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n’osa rien prendre sur lui, jugeant que le mieux était de faire appel à l’intervention du secrétaire.

— Est-ce bien vrai que vous… venez de l’étranger ? demanda-t-il enfin comme malgré lui. Le courage lui manqua pour formuler la vraie question qu’il avait sur la langue : « Est-ce bien vrai que vous êtes le prince Muichkine ? »

— Oui, j’arrive directement de la gare. Vous vouliez, je crois, me demander si c’est vrai que je suis le prince Muichkine, mais la politesse vous a empêché de me faire cette question.

— Hum… proféra le laquais surpris.

— Je vous assure que je ne vous mens pas et que vous n’encourrez aucune responsabilité à cause de moi. Si je me présente ainsi vêtu et avec ce paquet, il n’y a pas lieu de s’en étonner : actuellement ma situation n’est pas brillante.

— Hum… Voyez-vous, ce n’est pas de cela que j’ai peur. Je suis ici pour annoncer et tout à l’heure le secrétaire va sortir. Ce serait seulement dans le cas où vous… Puis-je vous demander si vous ne venez pas chez le général comme besoigneux, pour solliciter un secours ?

— Oh ! non, à cet égard soyez parfaitement tranquille ; ce n’est pas cela qui m’amène.

— Excusez-moi, j’avais eu cette idée en considérant votre mise. Attendez le secrétaire ; pour le moment le général est occupé avec un colonel, mais vous allez voir arriver le secrétaire… de la Compagnie.

— Si je dois attendre longtemps, je vous demanderai la permission de fumer ici quelque part. J’ai sur moi une pipe et du tabac.

— Fumer ? se récria avec indignation le valet de chambre qui semblait à peine en croire ses oreilles ; — fumer ? Non, vous ne pouvez pas fumer ici, et vous n’auriez même pas dû y songer. Hé… c’est renversant !

— Oh ! il ne s’agissait pas pour moi de fumer dans cette chambre ; je sais bien que ce n’est pas permis ; je voulais seulement vous prier de m’indiquer un endroit où je pusse